Dis-moi, qu’est-ce qu’un « grabado » ? C’est une gravure, c’est une forme d’expression artistique. Cette ancienne discipline fut la première technique pour reproduire des œuvres en série. Les artistes dessinent et gravent sur un matériel rigide, que l’on nomme matrice. Et ensuite, ils utilisent cette matrice, remplissent les lignes d’encre, afin de reproduire le reflet du dessin. Ils positionnent une feuille de papier ou un lit de tissu, et vont venir faire pression pour que l’œuvre se transmette sur ce nouveau support.
Mais chaque gravure est différente, on n’obtiendra jamais exactement la même. C’est pour cela que les artistes vont produire un nombre déterminé d’œuvres, et chacune des reproductions de la série aura son propre numéro. L’artiste dans son procédé de reproduction ne mettra jamais exactement la même quantité d’encre, et n’obtiendra jamais la même répartition exacte, il ne pourra jamais non plus exercer exactement la même pression. Les gravures ne sont pas des copies, ce sont des objets plus organiques. C’est une recherche de la copie parfaite à l’initial mais chaque œuvre a ses propres imperfections, ses propres différences, tout comme la nature est toute aussi parfaite et à la fois imparfaite. C’est ce qui me plait des « grabados », c’est ce qui nous permet de qualifier chaque produit d’une sérigraphie comme œuvre d’art, chacun a ses propres imperfections, difficiles à distinguer mais pourtant bien présentes, chaque œuvre est unique dans ses imperfections, comme tout produit de la nature.

De plus, la gravure est une technique complexe, car l’artiste doit penser l’œuvre et son contraire, penser les lignes de vide et de plein, penser l’œuvre telle qu’elle mais aussi son négatif. C’est un équilibre incroyable entre les noirs et les blancs, ce qui est rempli de ce qui est laissé vide ou de ce qui est laissé vide et ce qui est rempli. Ce fort contraste me fascine, c’est ce qui donne toute sa profondeur à ce type d’œuvre.
A l’initial, les gravures servirent à illustrer le monde. Mais elles n’étaient alors considérées que comme illustrations, et non dans sa totalité, comme des œuvres d’art. Aujourd’hui, Amanda Woolrich permet à certaines des anciennes gravures, de revivre. Elle les redessine et les grave une nouvelle fois, puis les articule pour pouvoir les animer et créer ses animations de gravures. Elle permet à ces gravures de vivre aujourd’hui au titre d’œuvre d’art et non seulement pour illustrer les livres de sciences. Ainsi se démontre le caractère immortel de la gravure. Et grâce au travail d’Amanda, nous pouvons apprécier ces représentations anciennes et voir comment étaient certaines espèces qui aujourd’hui ont subi des mutations au fil des âges. Nous pouvons remonter le temps pour quelques instants grâce à son œuvre.
Dans le travail d’Amanda, nous découvrons également une seconde série, Paisajes. Et seulement en lisant les titres des différentes œuvres, on peut d’ores et déjà s’imaginer que l’on découvrira plus que de simples représentations de paysages. Pequeña Ciudad, Pase Usted, Acumuladores, Nostalgia Citadina, Borracho, Floripondio*… sont des maux qui touchent notre société actuelle. Cette société moderne qui cherche toujours le meilleur, et qui finalement s’écroule, produisant des peuples malades, tristes, énervés, stressés, envieux, violents,… Et cette thématique, de dénonciation des maux de notre société, est très courante dans le mouvement de l’art jeune de la gravure au Mexique. Aujourd’hui, la nouvelle génération de graveurs ne représente pas seulement le monde avec des illustrations objectives, ce sont des œuvres de dénonciation, qui mettent sous les projecteurs nos problèmes.
Amanda a également produit des œuvres pour la lutte pour la planète. Mes amis artistes graveurs également peignent régulièrement des muraux pour la défense des baleines, pour la lutte contre la production de plastique, etc. Selon mon avis, cette génération qui dénonce la société et ses maux, peut difficilement oublier les maux que nous infligeons à notre planète. Hier les gravures servaient à représenter la nature, aujourd’hui elles la défendent.
Valentine Medan